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La promulgation de la loi numéro 41-2024 en date du 2 août 2024 a apporté une profonde mutation des procédures de résolution des incidents des chèques sans provisions, un allégement des sanctions, une plus grande responsabilisation des banques et des dispositions transitoires.
Par Moez HADIDANE
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L'entrée en application effective de plusieurs dispositions de la loi numéro 41-2024 va susciter au préalable des textes d'application et des réponses par rapport à plusieurs questions et des prérequis en termes de plateforme électronique, de mise en œuvre des nouvelles procédures et de modification des systèmes d'information des différents intervenants (banques, BCT, Société de Télé compensation, administration).
Dans cette troisième partie, nous abordons les dispositions relatives au processus de résolution des incidents de paiements des chèques sans provisions, les modalités de régularisation, le processus de conciliation et les sanctions prévues dans le code de commerce (en dehors des dispositions transitoires prévues dans la loi 41-2024). Les dispositions transitoires feront l'objet d'une partie (5) dissociée.
Le préavis numérique
Tout établissement bancaire (Art 410 Ter bis nouveau) sur lequel est tiré un chèque dont le solde n'est pas suffisant, en tout ou partie, ou indisponible, doit immédiatement porter au verso du chèque la date de sa présentation, payer au porteur ce qui existe de la provision ou l'affecter à son profit et inviter, le jour même, le tireur, via la plateforme numérique de traitement des chèques, à défaut, par tout moyen laissant une trace écrite, à (i) approvisionner son compte ou à rendre la provision disponible dans un délai maximum de sept jours ouvrables dans les banques et (ii) l'avertissant de s'abstenir d'utiliser toutes formules de chèques en sa possession ou en possession de ses mandataires autres que celles utilisables pour un retrait direct ou pour un retrait à provision certifiée et qui lui sont délivrées par les établissements bancaires ainsi que de l'obligation de les restituer aux établissements concernés.
Ainsi, le délai initial de préavis de 3 jours ouvrables à compter de la date de rejet du chèque est rallongé avec le nouveau texte de loi à 7 jours ouvrables. Le support d'information devient la plateforme numérique au lieu des supports classiques comme le télégramme, le télex, le fax (ou tout autre moyen laissant une trace écrite). Ceci suppose bien sûr que la plateforme soit opérationnelle et fiable et que les opérateurs particuliers, professionnels, commerçants intègrent dans leur pratique l'utilisation de cet outil
L'établissement d'un Certificat de Non-paiement (CNP)
Si le tireur ne procède pas à la régularisation dans le délai susvisé (7 Jours Ouvrables), la banque doit établir (7 JO + 1) un certificat de non-paiement comportant la transcription littérale du chèque, l'indication de la date de présentation, le défaut ou l'insuffisance de provision ou son indisponibilité et, s'il y a lieu, tous autres motifs ayant fait obstacle au paiement.
Le même jour (7 JO+1), la banque adresse au tireur un avis accompagné d'une copie du certificat de non-paiement via la plateforme électronique de traitement des chèques, à défaut, par tout moyen laissant une trace écrite. Une copie légale du certificat de non-paiement est également remise au bénéficiaire, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'établissement bancaire présentateur du chèque, accompagnée de l'original du chèque, et une autre copie est conservée à la disposition du Ministère Public.
La production d'un certificat de non-paiement a pour conséquence d'interdire au tireur d'utiliser toutes les formules de chèques qui lui sont délivrées par les établissements bancaires autres que celles utilisables pour un retrait direct ou un retrait à provision certifiée.
Ainsi, il n'est plus question que la banque remette, au cours des 3 jours ouvrables suivant le quatrième jour du préavis, un Avis de Non-paiement (ANP) à un huissier de justice. Dans ce cas (ancienne règlementation), la régularisation a lieu dans un délai de " ANP +4 " par le paiement du chèque et des frais de notification. À défaut (toujours dans l'ancienne réglementation) de régularisation dans ces délais (ANP + 4), le tireur :
Le tireur du chèque sans provision peut (toujours dans l'ancienne réglementation), durant les trois mois à compter de l'expiration du délai de régularisation :
À défaut de régularisation dans les délais (3 mois calendaires depuis ANP +4), l'établissement bancaire tiré doit adresser, dans un délai de trois jours bancaires ouvrables qui suivent, au procureur de la République du tribunal de première instance, dans le ressort duquel se trouve son siège, un dossier comportant obligatoirement un exemplaire de l'attestation de non-paiement et le procès-verbal de la signification comportant la notification de payer.
Dans ce cas, le tireur court le risque d'une sanction d'emprisonnement pour une durée de cinq ans et d'une amende égale à quarante pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision.
Dans la nouvelle version du code de commerce, si la banque tirée n'établit pas (7 JO + 1) le certificat de non-paiement ou n'adresse pas au tireur l'avis susmentionné, elle est réputée redevable du montant du chèque ou de ce qu'il en reste et doit le verser immédiatement au bénéficiaire.
Par ce paiement, la banque se substitue légalement au bénéficiaire dans tous ses droits à l'encontre du tireur du chèque dans la limite de ce qu'il a payé, et elle a le droit de prélever directement sur le compte du tireur le montant qu'elle avait préalablement avancé. Ce n'est plus à la charge du porteur du chèque de dresser un protêt pour refus de la banque d'établir le CNP.
En cas de refus de paiement d'un chèque pour opposition du tireur, l'établissement bancaire tiré doit établir un certificat de non-paiement conformément aux dispositions susmentionnées et doit adresser au cours des trois jours bancaires ouvrables un exemplaire au bénéficiaire, au tireur et à la Banque Centrale. Il doit en outre garder l'original du chèque et l'adresser dans les mêmes délais, avec un exemplaire du certificat de non-paiement, au procureur de la République compétent.
Les chèques sans provisions de moins de 5.000 dinars
Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du présent paragraphe ne s'appliquent pas à la banque listée dans la circulaire de la Banque Centrale qui s'est engagée dans la plateforme numérique et a fourni des services électroniques pour les opérations par chèque.
Est puni d'un emprisonnement pour une durée de deux ans et d'une amende égale à 10 mille dinars, le tireur et le bénéficiaire qui initient sciemment de fausses transactions financières au moyen de chèques sans provision, dont le montant de chacun n'excède pas cinq mille dinars, dans l'intention de soutirer illégalement des sommes d'argent à la banque.
La régularisation
Dans la nouvelle version du code de commerce, la régularisation d'un chèque sans provision qui intervient avant la conclusion de la transaction par médiation (voir ci-dessous) et sous réserve des dispositions relatives aux chèques sans provision de moins de 5000 dinars, s'effectue par l'approvisionnement du compte sur lequel le chèque a été tiré (pas de date limite tant que le bénéficiaire n'a pas initié des poursuites judiciaires).
La banque doit affecter cette provision au profit du bénéficiaire et l'informer sans délai de la constitution de la provision via la plateforme électronique de traitement des chèques et, si cela n'est pas possible, par tout moyen qui assure la notification du bénéficiaire ou par l'intermédiaire de la banque qui a présenté le chèque pour paiement.
Le cas échéant, le paiement s'effectuera en payant le montant total du chèque ou ce qui en reste au bénéficiaire ou en le consignant à son profit à la Trésorerie Générale de Tunisie, et devra justifier du paiement par un acte authentique ou par un écrit à date certaine ou sur justificatif de sa consignation et en informant le bénéficiaire.
La régularisation permet au tireur de recouvrer le droit d'utilisation des formules de chèques. Autre importante nouveauté dans la nouvelle réglementation des chèques sans provision, la régularisation peut avoir lieu dans les mêmes conditions susmentionnées pendant le procès ou après qu'un jugement ait été rendu à l'encontre du tireur.
Dans le premier cas, cela aboutit à l'arrêt du procès, et dans le second cas, à l'arrêt de l'exécution de la peine de prison prononcée. Dans tous les cas décrits à l'alinéa précédent, le règlement entraîne la levée des mesures prises à l'égard du tireur, notamment l'interdiction d'utiliser des formulaires de chèque.
Il n'est plus nécessaire, comme le stipule l'ancienne réglementation, lors de la régularisation qui a lieu au cours des poursuites et avant qu'un jugement définitif ne soit rendu, de payer un intérêt égal à un taux de 10% calculé à compter de l'établissement du certificat de non- paiement, une amende égale à 20% du montant total du chèque ou du reliquat de la provision et la restitution des dépenses. Ces intérêts de retard étaient destinés au bénéficiaire pour l'indemniser suite au retard d'encaissement de son chèque.
La transaction par médiation
La nouvelle réglementation a introduit la possibilité de conciliation par médiation en matière de chèques sans provisions (article 410 Octies, nouveau article) :
Lorsque le bénéficiaire initie des poursuites pénales pour délit d'émission de chèques sans provisions, sur la base d'une plainte, le procureur de la République, après lui avoir fourni le dossier du plaignant ou de la banque tirée et avant d'engager l'action publique dans un délai n'excédant pas un mois, propose au bénéficiaire du chèque et au tireur contre lequel la plainte est portée une transaction par médiation (conciliation par médiation).
Lors de l'audience de conciliation, le procureur de la République consigne les accords conclus entre les deux parties dans un procès-verbal côté ou les autorise à conclure un accord de conciliation par acte notarié. Il peut autoriser, sur demande du tireur, la levée de l'interdiction d'utiliser des formules de chèques en son nom.
Le titre de conciliation doit comporter les références du chèque, le montant requis et des obligations imposées aux deux parties, notamment les modalités et échéances de paiement, ainsi que sa durée qui ne peut excéder neuf mois à compter de la date de sa signature.
Le procureur de la République peut, exceptionnellement et sur demande motivée du prévenu, proroger une fois le délai susvisé pour une durée de trois mois.
Le Procureur de la République vise le titre de conciliation lorsque les conditions légales sont remplies et autorise son dépôt au greffe du tribunal. Il précise également sa date d'effet comme titre exécutoire.
Le titre de conciliation visé par le procureur de la République et rendu exécutoire a force exécutoire. Le document de conciliation ne peut être contesté que s'il est faux.
Le bénéficiaire du chèque a le droit de prendre un exemplaire du titre de conciliation, dit " exemplaire exécutif ", délivré par le greffier du tribunal compétent, signé par lui et portant le sceau du tribunal. La formule prévue aux deux derniers alinéas de l'article 253 du Code de procédure civile et commerciale est insérée au bas de l'exemplaire exécutif en remplaçant les termes " cette décision " ou " ce jugement " par le terme " ce titre ".
Le procureur de la République peut prendre une décision d'interdiction de voyage du tireur de chèques, qui en est avisé par tout moyen laissant trace écrite dans un délai de trois jours à compter de la date de l'émission de la décision. Il peut autoriser la levée de l'interdiction de voyage d'office ou à la demande du tireur.
Il doit se prononcer sur la demande de levée de l'interdiction de voyage par une décision motivée dans un délai de quatre jours à compter de la date de son dépôt. Si la demande est rejetée, une nouvelle demande ne pourra être soumise que sur la base de nouveaux éléments.
L'exécution totale de la transaction ou l'inexécution due au fait du bénéficiaire entraîne l'extinction de l'action publique, la levée de l'interdiction de voyage et le tireur recouvre son droit d'utiliser les formules de chèques.
Les sanctions afférentes au processus de résolution des incidents de chèque
Est puni d'un emprisonnement pour une durée de deux ans et d'une amende égale à 10 mille dinars, le débiteur ayant signé un engagement ou un accord ou un procès-verbal de conciliation à des fins de paiement de chèque sans provisions et qui commet intentionnellement les actes suivants :
Outre les sanctions pénales, le tribunal correctionnel prononcera la nullité des contrats et travaux décrits aux premier et deuxième alinéas du présent article.
Issu de l'échec de la transaction par médiation
S'il a été impossible de conclure la transaction à cause du tireur ou si celle-ci n'a pas été intégralement exécutée malgré l'expiration des délais qui y sont spécifiés, le ministère public devra, à la demande des personnes intéressées, engager les poursuites par voie de citation directe sans qu'il soit besoin de procéder à une enquête préliminaire ou par le renvoi devant le juge d'instruction.
Lorsque l'objet de l'opposition porte sur le vol ou la perte d'un chèque, le procureur de la République doit ordonner l'ouverture d'une information. Les poursuites relatives à l'infraction d'émission de chèque sans provision sont interrompues jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'affaire.
Publié le 15/08/24 10:12
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